Le CàMFoiDS > Robert Wyatt – Shleep

Robert Wyatt - ShleepMéfiez-vous des barbus…

Lorsqu’un album combine à la fois un jeu de mots pourri dans le titre et une illustration enfantine, je ne peux pas le rater !

Or c’est le cas de cet album appelé Shleep dont nous gratifie Robert Wyatt. Pour ceux qui ont dormi durant tous leurs cours d’anglais, je fais d’emblée une mise au point : Shleep est une contraction entre les mots « sleep » (dormir) et « sheep » (mouton). Et quand on veut dormir, on compte les moutons. Ah ah, c’est drôle. Le prince de Motordu serait fier de toi, Robert. On peut commencer la leçon maintenant ?

Petit Robert, j’ai remarqué sur la pochette de ton album que tu avais choisi de ne mettre aucune majuscule. Je suppose que ceci est dû à l’ignorance dans laquelle tu te trouves des règles de grammaire régissant la juste utilisation des majuscules dans les titres d’œuvres. Ce n’est en effet pas évident. Prends ton cahier, ton stylo, je t’explique. Justement, je relisais encore avec délectation mon Traité d’orthotypographie qui consacre une dizaine de pages à ce sujet.

  • Règle n1 : un titre est toujours écrit en italique. Qu’il soit complet ou tronqué, qu’il s’agisse d’un livre, d’une musique ou de n’importe quoi, un titre est toujours en italique. Ex. : l’album Shleep de Robert ne vaut pas le Sky’s Edge de Richard. 

Personnellement, je m’assois sur cette règle dans cette chronique, puisque je les mets déjà en gras. Et je mets mes commentaires en italique.

  • Règle n2 : l’abréviation de numéro est no et non n°. Il convient d’utiliser un « o » minuscule en exposant et non le symbole degré. Ceci n’a rien à voir avec les titres mais se devait d’être signalé.
  • Règle n3 : En français, on mets des majuscules aux titres. Mais très peu. Cette majuscule correspond à quel terme l’oeuvre est classée dans un classement alphabétique. La règle est la suivante :
    • Un titre commençant par un article défini prend une majuscule au premier nom, mais pas à l’article.Tout ce qui vient après ce premier nom est en minuscule (sauf nom propre). Ex. : La petite Sophie a écrit la Place du fantôme. Gaston n’a pas su l’écrire correctement.
    • Si des adjectifs ou des nombres se trouvent entre l’article défini et le premier nom, ils récoltent une majuscule. Ex : Par contre, l’auteur des Mille et Une Nuits devait avoir un prénom moins franchouillard.
    • Un titre ne commençant pas par un article défini prend une majuscule uniquement au premier terme. Ex. : C’était pas Michel qui chantait Quand j’étais chanteur ?
    • Si un titre est double, c’est-à-dire mettant sur le même pied d’égalité deux parties séparées par un « et » ou un « ou », chacune suit les règles précédente. Ex. : Mais ça ne vaut pas l’interprétation de Francis sur la Robe et l’Échelle !
  • Règle n4 : en anglais, on mets des majuscules partout tout le temps, sauf aux mots anodins comme « and », « a » ou « the ». Ex. : With a Little Help from My Friends, issue de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles.

Tout ça pour dire qu’il faut une majuscule à Shleep. Oui, on a peut-être pris le chemin le plus long pour y arriver. Mais par contre, désormais, je peux reprendre quiconque oublie une majuscule.

Mais dans le cas qui nous intéresse ici, je pense que Robert se contrefout royalement de l’orthotypographie, car il se contrefout de bien d’autres règles également.

Robert Wyatt est un vieux de la vieille. Il est né en 1945 en Angleterre. Il a tout vu, tout connu. La révolte des Mau-Mau, il l’a connue. En mai 68, il était là. Lors du printemps de Prague, il était là. L’insurrection de Budapest, il l’a provoquée. La révolution de Zanzibar, il l’a soutenue. Les émeutes de Saint-Paul à Bristol, il les a connues aussi. Autant vous dire que les règles, ce n’est pas son truc. Il le prouve d’ailleurs admirablement avec la seconde chanson de cet album :

Robert Wyatt – The Duchess

Le style de Robert Wyatt est exposé dans cette chanson, qui pousse au paroxysme toutes ses caractéristiques. Robert, c’est un batteur de formation. Il a débuté dans le rock progressif, comme tous les jeunes de son époque (ou presque), a une formation plutôt jazz, une voix aiguë de ténor. Voilà, en trois mots, tout ce qui définit le passif de Robert Wyatt définissant sa musique aujourd’hui. Rajoutez une ressemblance au niveau des couvertures d’album, de la voix et de la barbe avec Samuel Beam, le chanteur d’Iron & Wine, et vous aurez une définition complète.

Ah oui, parce que j’oubliais : que peut-on attendre d’une personne qui fait faire ses couvertures d’album à ses enfants ? Pardon ? A sa femme ? C’est madame Wyatt qui a fait ça ? Robert, es-tu vraiment prêt à racler sur toutes les dépenses…

Robert Wyatt se moque des normes. Il fait ce qui lui plait. Sur The Duchess, c’est poussé jusqu’à la caricature. Les phrases inarticulées, les solos déconcertés, l’absence de ligne directrice, le fond sonore sur quatre notes du début à la fin, tout est fait pour que vous n’accrochiez pas. Je l’ai fait exprès. Mais c’est ainsi, Robert part dans tous les sens, le tout dans un désordre savamment orchestré. L’improvisation semble se mêler au génie. Mais son disque ne peut pas se résumer à une seule chanson ! Écoutez par exemple Blues in Bob Minor :

http://youtu.be/R9duoeeKFVU

Robert Wyatt – Blues in Bob Minor

C’était mieux ? Bon, ce n’est pas du tout typique du style Robert Wyatt non plus. Mais ce blues accrocheur, que je n’ai pas hésité à proposer en final de la 79e de Mojo Station, c’est déjà plus accrocheur, non ?

Robert Wyatt a eu une influence conséquente sur l’histoire de la musique rock, apportant l’improvisation du blues et du jazz. D’ailleurs, on reconnait son jeu de batteur jazz, celui qui a oublié de monter les tambours sur sa batterie. Sur internet, par contre, il se cache extrêmement bien. Il n’y brille pas par ses improvisations. Je n’ai trouvé comme seul site officiel que celui d’un photographe homonyme : http://www.robertwyatt.net/ Il y a là-bas (entre autres) des photos de madames toutes nues (mais artistiques !), ça compense les hommes en slip de la dernière chronique.

Terminons cette chronique avec un morceau plus représentatif de l’album et surtout joué en partenariat avec le jazzman belge Philip Catherine :

Robert Wyatt – Maryan

La semaine prochaine, on retourne dans les contrées à peine effleurées des artistes féminins ! Mauvaise foi et misogynie en perspective !

4 commentaires

  1. 1. Je m’assois sur tes commentaires.
    2. Dommage qu’un essaim de moustiques soit venu perturber l’enregistrement à la fin de The Duchess
    3. Blues in Bob Minor était une fois encore un bon choix pour Mojo Station, t’as du bol, il y a chaque fois une piste qui correspond (Je réécoute le dernier de Lara Fabian pour voir si elle a des chances de passer à la radio, promis !)
    4. Euh, grosse claque avec Maryan, tu pouvais pas commencer par ça, la mettre comme seul contenu de l’article d’ailleurs (ça nous aurait évité 3h de blabla) ? -_- Bref, je l’écoute en boucle. L’album serait donc du même genre ?

  2. Même si j’ai un peu ri, c’est tout de même totalement déplacé toutes ces digressions… Mais que fait le comité de relecture!
    Un peu de respect tout de même… (et un peu de déférence envers celui qui, dans l’ombre, te distille les infos qui comptent…. genre: oulà, attention, très grosse légende là!)
    Enfin, félicitations tout de même. Parler de Robert Wyatt, c’est déjà très, très bien.

Laisser un commentaire