Soyons sérieux…

Nous sommes des gens sérieux. Je suis une personne sérieuse, Gaston est une personne sérieuse, nous sommes tous des gens sérieux. La musique est un domaine sérieux. Il ne suffit pas de taper sur des bambous pour se prétendre musicien. Il faut être sérieux. Quand on sort un album, il faut être sérieux. On s’accompagne de gens sérieux qu’on appelle « graphistes ». Ils produisent un travail sérieux. Ils ne se laissent pas aller à la facilité. Jamais il ne leur viendrait à l’idée de faire un photomontage de gamin de 10 ans sur une pochette d’album. Alors pourquoi ai-je trouvé ceci dans mon coffre ? Izzy Strablin and the Ju Ju Hounds ! 

Déjà, pour commencer, un album, c’est un groupe, qui a un nom, qui produit un album, qui a lui aussi un nom. Là, déjà, ça commence mal, par ce qu’il n’y a pas de nom d’album. Et quant au nom du groupe… The Ju Ju Hounds ? Réellement ? C’est un nom, ça ?  Vous croyez vraiment que c’est la pétaudière et qu’on a le droit de faire tout et n’importe quoi ? Izzy, ce n’est pas un prénom. Point. Strablin, ça peut passer. The Ju Ju Hounds, ce n’est absolument pas un nom ! Non ! C’est absolument ridicule, et ça manque de sérieux.

Voilà, donc, déjà, voilà un groupe qui débute extrêmement mal en ayant un nom aberrant.

Ensuite, ils produisent un album qui n’a pas de nom. Absurde.

Et pour finir, leur pochette, elle est… comment dire ? Grotesque ? Piètre ? Risible ? Vous savez ce qu’est un photomontage ? C’est quand on colle un morceau de photo sur un autre. Habituellement, on essaie de faire ça bien pour qu’on ait l’impression que c’est réel. Là, en l’occurrence, c’est totalement raté.

Alors, j’en arrive à demander : n’importe quel abruti peut-il faire une pochette d’album ? Oui ? Peut-on y inclure un nom de groupe totalement débile ? Oui ? Voilà donc ce que je propose :

Des gens sur des échasses, un coucher de soleil, un photomontage raté, à moi le succès !

Ou alors, allons encore plus loin, concentrons-nous sur le premier plan, choisissons un sujet intéressant :

Là, on commence à discuter ! Un arrière-plan Windows, mais une belle demoiselle à l’avant, on commence à avoir un album qui va avoir su succès !

Mais après tout, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout et proposer un travail complètement bâclé et moche et pixelisé et un nom vraiment pourri en plus ?

Et voilà le travail ! Une sublime pochette d’album, ça m’a pris quoi à la faire ? 10 minutes ? Maximum ! Et encore, je ne me suis pas préoccupé de savoir si les images étaient libres de droit, ou si les couleurs allaient bien ensemble. Non, je suis là pour produire à la chaîne, moi !

Allez, ça m’énerve, je vais remettre ce disque là où je l’ai trouvé ! Allez, à la semaine prochaine !

Quoi ? La musique ? Ah oui, c’est vrai, j’ai quand même mis le disque dans le lecteur. Je ne sais pas à quel type de musique je m’attendais. D’un côté, l’image fait un peu Europe de l’Est, ou Asie centrale. Faut-il attendre une musique traditionnelle à base de balalaïka ou autres instruments traditionnels ? D’un autre côté, Izzy Stralin and the Ju Ju Hounds, ça sonne plutôt musicien américain sous LSD. Bon, écoutons tout de suite la seconde piste, Pressure Drop, sans se poser plus de question :

Bon… Alors, ça a commencé par du rock festif, très rapide, genre un peu Offspring, ça s’est coupé brutalement, ça a terminé par du Bob Marley. Donc hyperactivité, suivie d’une perte brutale de motivation. C’est typique du LSD, ça, non ? Ah mais attendez… Izzy Stradlin, ce n’est pas le nom du guitariste des Guns N’ Roses ? Mais si ! Ah ben voilà d’où sort cet album, paru en 1992 !

L’influence Guns n’ Roses ne se fait pas trop sentir, on a des pistes très variées, parfois hard rock tendance Rolling Stones, parfois plus blues. On regrettera qu’il n’y ait pas plus de balalaïka, toutefois. Allons, reposons cet ovni graphique.