La Canaille en mode « Décalé » sur son 3ème album : La Nausée

Pochette de l'album La Nausée de La CanailleLa Canaille « n’écrit pas pour rimer, mais pour exprimer. Et l’enjeu réside à le faire de la manière la plus sincère. Pour que ça touche, que ça perfore. Avec le mot le plus tranchant, le mot le plus précis (…) le mot debout de l’oppressé, du rescapé, du fugitif. (…) Construction implacable magistralement calibrée. Y’a pas à dire, c’est de la qualité. (…) c’est bien produit et le public l’applaudit. (…) Décalé » !

Quoi de mieux que les mots de La Canaille lui-même pour décrire l’impression qui se dégage de La Nausée, ce 3ème album du rappeur français ? Marc Nammour (son nom à la ville) me pardonnera je l’espère d’avoir coupé au couteau son texte du morceau Décalé, surtout que j’ai pris à contre-sens certaines de ses déclarations. En parlant de « construction calibrée de qualité, bien produite », La Canaille critique en fait les morceaux formatés pour les radios : « mélodie up-tempo (…) facile et consensuelle (…) pour une rotation massive. 3min30 » . Mais c’est pourtant la réalité de ce disque : La Nausée est un album extrêmement bien construit, bien produit ! Certains morceaux sont d’une redoutable efficacité, épaulés par des textes incisifs et une instrumentation qui claque, d’une modernité folle ! Le morceau « Décalé » en est un bon exemple, je ne l’ai pas choisi par hasard pour ouvrir cet article (et La Canaille non plus pour teaser son album). La production minimaliste du morceau est pleine de finesse si l’on tend un peu l’oreille. Bon, ce n’est clairement pas le morceau le plus radiophonique avec son rap susurré, néanmoins il résume tout le bien que je pense de cet album… décalé.

Écoutez Décalé ci-dessous ou en cliquant ICI.

Cet album de La Canaille file-t-il La Nausée ?

Le titre de cet album n’est pas anodin. « La Nausée » ? En quoi cet album exprime-t-il ce sentiment ? La première réaction voudrait qu’on se penche au niveau des textes et les morceaux d’ouverture semblent effectivement évoquer l’expression d’un mal-être, d’une nausée vis-à-vis du monde actuel. Sur Quelque chose se prépare : « Je lance ce troisième album dans un contexte encore plus merdique que le précédent. Non vraiment rien n’a changé M. le président. » Sur Jamais Nationale : « L’heure est grave, l’état d’urgence est décrété (…) Ici ça pue, j’ai la nausée (…) Mon identité ne sera jamais nationale. » Franchement, à titre personnel, je n’étais pas emballé par un disque politique, c’est peut-être mon côté belge qui regarde ces allusions au Président ou à Marine Le Pen d’une façon assez détachée. Heureusement pour moi, la « Nausée » se retrouve dans des textes qui m’ont davantage touché. Avec crudité sur Pornoland, qui fait un état des lieux de la misère sexuelle de l’entreprise pornographique. Avec humour sur Monsieur Madame, un portrait peu flatteur de la bourgeoisie. Avec tristesse sur Desséchée, qui dépeint un couple malmené par la routine. Avec tendresse sur Encore un peu, l’histoire d’un vieux qui voudrait vivre encore un petit peu.

Photo du rappeur La CanailleMais la « Nausée » se retrouve également dans le son-même de l’opus, avec de temps en temps des fins de morceaux qui partent en vrille dans un délire de percussions ou de cuivres. C’est le cas pour les morceaux Monsieur Madame, Pornoland ou Décalé et ça rajoute vraiment du caractère aux chansons. Si la nausée peut être un mot positif (dans le sens dérangeant, qui ne laisse pas indifférent) : oui, La Canaille m’a filé la nausée, et je l’en remercie. Allez, une mise en évidence nauséeuse, au niveau du texte et du son, avec l’incroyable Pornoland :

Le pantalon aux chevilles regard rivé sur son écran. Un rouleau d’essuie-tout à portée de main pour s’essuyer le gland. Devant sa vidéo, il se caresse machinalement. Il tue le temps, se tend comme tous les jours machinalement. Petit branleur se paluche, s’astique le manche. Se fait dégorger le poireau, s’épanche d’une façon étrange. Drôle d’époque du streaming aphrodisiaque. Comment faire pleurer le cyclope afin de border l’insomniaque ?

Écoutez Pornoland ci-dessous ou en cliquant ICI.

Redéfinition, La sueur des ombres, Briller dans le noir, les tubes de cet album ?

S’il faut pointer des morceaux particulièrement efficaces, comme discuté plus haut dans l’article, certains titres sautent aux oreilles. Sur Redéfinition (extrait youtube), où La Canaille, ô surprise, se redéfinit (Pour info, La Canaille était une chanson révolutionnaire de 1863), la batterie martiale et les cuivres du refrain rappellent le caractère des morceaux de Woodkid : on peut tout à fait imaginer que cela suscite l’intérêt du grand public, aidé par son refrain fédérateur (et explicite en terme de présentation). La sueur des ombres, quant à elle, accroche toute de suite grâce à son beat chaloupé, répétitif et ses cloches désaccordées : ici, le flow claque, en résonance avec la prod. Enfin, Briller dans le noir est un boulet de canon ! Pour tout dire, l’instrumentation accélérée et le rap-reggae de Sir Jean sur ce titre font penser aux morceaux récents de Skrillex sur Recess avec les Ragga Twins (Ragga Bomb). Bref oui, M. Nammour, vous avez des petits tubes sur cet album et si d’aventure les radios venaient à s’en emparer, ce serait vraiment un mal que l’on vous souhaiterait volontiers.

Écoutez Redéfinition, La Sueur des ombres et Briller dans le noir ci-dessous :

Si deezer vous est inaccessible, vous pouvez écouter l’album dans son intégralité chez nos confrères de Rue89. Mais réjouissez-vous, La Nausée sort lundi, le 22 septembre ! Retrouvez toute l’actualité de La Canaille sur leur page facebook ou sur twitter. On se quitte avec le clip de « Jamais Nationale » :

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