Le CàMFoiDS > Mercury Rev – Deserter’s Songs

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Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir.

Voici ce que j’ai trouvé cette semaine dans mon coffre à mauvaise foi : Mercury Rev – Deserter’s Songs.

Savez-vous comment on peut reconnaître aisément un album de musique issu de mon coffre à mauvaise foi de n’importe quel album du tout-venant de mon alter-ego ? C’est grâce au tampon sur la pochette aux illustres lettres « Le CàMFoiDS » – loués soient leurs œils ! Et oui ! Un simple tampon noir, gravé de mes augustes initiales, pour marquer ce qui m’appartient. C’est toute la différence entre mes albums et ceux de Gaston. Sauf que lorsque la pochette est presque intégralement noire, et qu’on n’a pas envie de mettre le tampon directement sur la gueule du chanteur (demandez à votre compagne, ce n’est pas l’endroit où on le met usuellement), je suis bien embêté !

Effectivement, M. Mercury Rev – qui ne s’appelle en réalité pas du tout Mercury Rev, mais ça, je l’ai découvert plus tard -, M. Mercury Rev, il a l’air plutôt dépressif. Pochette d’album complètement sombre, titre déprimant au possible – « chansons de déserteur », ça n’évoque pas les lapins blancs qui gambadent dans les pâtures fleuries –, on met donc le cd avec appréhension dans son lecteur cd, non sans avoir préalablement rédigé un testament pour déshériter toute sa famille – je n’avais que Gaston comme famille proche –, fermé tous les volets, éteint les lumières et fait une petite réserve de lames de rasoirs rouillées (deux précautions valent mieux qu’une).

La musique commence, un son électronique proche de ce qu’on attend d’un Jean-Michel Jarre. Une musique très mélancolique s’élève, un sourire apparaît sur notre visage tandis que notre main se dirige vers le robinet du gaz. Puis le chanteur commence à chanter, une voix cassée, éraillée, assez aigüe, peut-être travaillée en studio. La musique s’accélère légèrement et là paf ! Trahison ! Cette chanson, Holes, qui figure au début de l’album, c’est une chanson positive ! Alors qu’elle dispensait une ambiance très sombre, type fin du monde, une lueur apparaît à travers les notes répétées d’un piano : il y a encore un espoir ! Tout n’est pas perdu ! La batterie intervient, la chanson devient positive ! Et cet espoir, c’est un thérémine !

Ici, il faut que je fasse une courte digression sur le thérémine.

Le thérémine est un objet que son inventeur a osé qualifier d’instrument de musique. Cet homme, nommé Léon Thérémine, un scientifique russe du début du siècle dernier probablement passablement alcoolisé, travaillait comme nombre de ses collègues sur les ondes magnétiques. C’était la mode à l’époque. Au cours de ses recherches (que cherchait-il réellement, ceci restera un mystère, tout comme celui du premier homme ayant trait une vache), il inventa un objet qui émet des sons selon la position des mains de l’utilisateur. Ceci sans toucher l’appareil (à part pour appuyer sur On).

Le thérémine eut son heure de gloire dans les années 50 grâce à la proximité malheureuse entre les sons qu’on en obtient et les cris des fantômes et du vent qui siffle. Il fit un malheur dans les bandes son de films d’horreur. C’est dire le degré de mélodicité de l’appareil. Il faut dire qu’on peut en obtenir tout et n’importe quoi. Par la suite, il fut gentiment oublié pour le plus grand bien-être de tous. Et voilà que M. Mercury Rev nous le ressort pour cette chanson ! Mais quel producteur peut lui avoir dit, droit dans les yeux, « oui, vas-y coco, je sens qu’on tient un bon truc, là » ?

Fin de la digression.

Holes est une chanson géniale. Malgré tout ce que j’ai pu dire au-dessus. D’ailleurs, ce fut un succès relativement important, en cette année 1998. Je suis sûr que même vous, vous l’avez déjà entendue. L’ambiance particulière créée par ce thérémine, le fin agencement de cette montée dramatique, tout est parfait. Je suis fan.

Par la suite, les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas. On retrouve cette atmosphère noire de post-rock électronique dépressif sur l’avant-dernière piste, Pick Up If You’re There (« And Don’t Forget To Buy Some Bread », j’ai envie d’ajouter… Merci de ne pas passer des message personnels sur les titres de l’album, il y a les post-it pour ça !). D’ailleurs, notre ami le thérémine revient sur cette piste, ce n’est pas un hasard. Certains morceaux sont plus instrumentaux dans leur approche, avec du violon, plus posés. Après avoir pensé à Jean-Michel Jarre, on pense à Maurice Jarre, le fameux compositeur de musiques de film de l’âge d’or du cinéma. D’autres pistes sont au contraire orientées beaucoup plus pop, très joyeuses, comme Delta Sun Bottleneck Stomp, Opus 40 ou Goddess On a Highway (dont le clip rappelle celui du duo Saule/Charlie Winston, non ?), qui frétille et pétille comme une chanson commerciale, mais en mieux. Est-ce vraiment le même auteur ?

Admirable transition que je m’offre là ! Je vais pouvoir maintenant vous présenter l’auteur ! Mercury Rev n’est pas le nom d’une personne, mais d’un groupe, originaire de l’état de New York. Après avoir fait quelques albums de rock psychédélique expérimental ayant eu un certain écho dans le milieu, ils sortent en 1998 cet album beaucoup plus orienté grand public qui leur ouvre la voie du succès. Par la suite, leurs albums suivants restèrent dans cette même veine et eurent également un succès notable. Pas suffisamment cependant pour avoir l’honneur de la poussière de mon coffre à mauvaise foi.

Pour faire court, en vous procurant cet album, vous aurez droit à un rock électronique sous narcotique, des arrangements pop joyeux, de la musique de film. Et tout ça très bien. Que demander de plus ?

PS : La première vidéo n’est pas le clip officiel, mais un montage amateur à partir du court-métrage Le Ballon rouge primé à Cannes en 1956. Je dis ça pour un certain Gaston qui  rode parfois dans les environs et qui ne fait pas la différence entre la patte d’un metteur en scène internationalement reconnu et un banal clip de promotion. 

3 commentaires

  1. Bon, tu triches, là : c’est évidemment hyper intéressant, en particulier les 2 chansons que tu as pointées : la première a tout l’air d’être l’inspiration de M83 pour leurs chansons cinématographiques genre Wait, tandis que la seconde est un tube, classique qu’on entend régulièrement à la radio… Bref, tu cherches à avoir plus de « j’aime » que moi, c’est ça ? Heureusement que tu nous endors avec tes histoires de thérémine et d’oeils, j’ai cru un instant que tu cherchais à me voler la vedette !

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